Cette application propose d’explorer la méthodologie propre à la spatialisation d’un corpus des archives militaires russes (RGVIA) concernant l’activité des agents du renseignement opérants en Asie centrale entre 1830 et 1853 pour le compte de l’Empire russe. Ce projet permet donc d’explorer ce conflit par l’entremise d’un atlas cartographique sous forme de SIG rassemblant les données issues du corpus d’archives, les quelques projets d’humanités numériques réalisées sur le sujet en plus des différentes études ayant émergé des historiographies françaises, britanniques et russes.
Cet atlas a été réalisé dans le cadre d'un mémoire de maîtrise déposé au département d'histoire de l'Université de Sherbrooke intitulé La tentation de l’Inde? Colonialisme russe et renseignement militaire en Asie centrale au XIXe siècle.
Accéder à la version PDFPour naviguer à travers l'application, vous pouvez sélectionner des catégories d'informations parmis les couches à droite et y ajouter différents fonds de carte. En sélectionnant des points, lignes et polygones s'affichera une info-bulle décrivant et illustrant des éléments du Grand Jeu issus des archives ou de sources secondaires. Vous y trouverez également des images d'archives et quelques cartes narratives.
D'abord, consultez les différents onglets de ce menu pour y découvrir une mise en contexte, du contenu supplémentaire et des remerciements.
Antoine Gauthier-Trépanier
Antoine.Gauthier-Trepanier@usherbrooke.ca
Agents : On y retrouve les biographies des différents agents et acteurs du Grand Jeu, tant en Orient qu'en Occident.
Forts et forteresses : Représente le réseau de forts et forteresses russes en Orient. Ce réseau constitue la frontière de l'avancée coloniale russe qui progresse en installant des avants-postes pour mieux "pacifier" une région.
Géopolitique : Cette couche présente les différentes entités géopolitiques impliquées dans le Grand Jeu. Ces entités font partie de l'Empire Perse, Russe et Britannique ou conservent une certaine forme d'autonomie.
Militaire : Dans cette couche, on retrouve les traités, affrontements, batailles et caractéristiques des troupes qui relèvent de l'aspect militaire du Grand Jeu.
Ressources : Les rapports du renseignement militaire rapportent tout ce qui peut s'avérer utile pour la connaissance du territoire et des sociétés. Parmis ces renseignements, la connaissance des ressources est essentielle et les archives fournissent un portrait détaillé des différentes ressources de l'Empire perse.
Routes : Cette couche affiche les principales routes commerciales et militaires actives à l'époque. La plupart de ces routes sont très anciennes et s'insèrent dans le réseau des routes de la soie.
Topographie : La connaissance du terrain est essentielle pour les agents du renseignement. On retrouve donc dans cette couche quelques éléments de la topographie de l'Asie centrale qui doivent être considérés lors d'une expédition militaire.
Cartes Narratives : Certaines informations relèvent d'un enchainement d'évènements dans le temps. Ainsi, certaines cartes narratives interactives s'afficheront en selectionnant les points de cette couche.
En 1815, l’Europe se remodèle lors du congrès de Vienne dans la foulée de la défaite de Napoléon. Suite à cette relative stabilité politique, les théâtres de conflits se déplacent vers les marges des zones d’influence européennes. L’Orient constitue alors l’objet d’une grande production littéraire occidentale qui contribue à en construire un imaginaire idéalisé. Or, il représente également une zone riche en opportunités économiques à qui contrôlerait l’espace compris entre la Méditerranée et la Sibérie orientale. L’Empire britannique, puissance maritime de son époque, jouit alors d’une position géopolitique enviable grâce à sa colonie indienne. Le « joyau de l’Empire » est toutefois l’objet de convoitise par les Français sous Napoléon, mais également par l’Empire russe.
Pourfendeur de la grande armée de 1812 et inébranlable face aux troubles du « printemps des peuples » en 1848, l’Empire des tsars cherche à accroître son influence dans son territoire en marge de ses limites orientales par une politique de colonialisme continental. Le contrôle de l’Asie centrale et ses « Khanats » permettrait de faire main basse sur le lucratif commerce des esclaves, en plus de s’approvisionner en ressources premières (blé et coton). Au Moyen-Orient, les détroits permettant le passage naval entre la mer Noire et la Méditerranée seraient stratégiques pour le contrôle du commerce des céréales, en plus de comporter une dimension symbolique représentée par la ville de Constantinople et la présence des sujets chrétiens de l’Empire ottoman. Ainsi, c’est la dynamique du Grand Jeu en Asie centrale, soit la rivalité géopolitique entre les empires britannique et russe, ainsi que sa contrepartie levantine – la Question d’Orient – qui déterminent en quelque sorte les grandes orientations eurasiatiques de la seconde portion du XIXe siècle.
Les humanités numériques désignent une série de méthodes, réflexions et outils à l’intersection de l’informatique et des sciences humaines. En histoire, c’est donc l’informatique au service de la recherche afin de trouver de nouvelle manière d’optimiser l’analyse et donc la compréhension du passé par l’utilisation d’outils et méthodes avancées pour traiter les corpus de sources. Ainsi, nous avons utilisé le numérique afin de construire un Système d’Information Géographique ou SIG. Il s’agit d’un outil de visualisation qui regroupe différentes couches cartographiques comportant des données et permettant de les superposer afin de mieux les comparer.
Puisque notre mémoire consiste en la spatialisation d’un corpus, c’est donc la méthodologie qui représente la méthode, mais également les résultats de recherche. En effet, il importe de maintenir une discussion constante entre l’objet d’étude et le support puisqu’apprendre à réaliser un SIG permet de saisir le « sens profond et la mécanique » des ramifications de notre thématique, soit le Grand Jeu. De plus, l’acte même de création d’un SIG, à partir d’un corpus, est un acte qui n’est pas neutre. C’est un procédé régi par des considérations propres à des spécificités historiques, sociales et politiques qui pourrait tendre vers la reproduction de certaines pratiques et mentalités colonialistes. Ainsi, la spatialisation d’un corpus, comprenons-la dans une démarche propre aux humanités numériques, ne peut être totalement complète en combinant simplement le hack (construire, coder) et le yack (expliquer et analyser).
Alors, que faire pour éviter de simplement reproduire le projet colonial sous forme digitale? Il faut chercher les phénomènes d’exclusion et les dynamiques de pouvoir qui émergent des cartes (du produit). Mais puisque le colonialisme a également affecté la manière dont on pense le monde, les projets d’humanités numériques émergeaient jusqu’à très récemment surtout des Britanniques et de leurs anciennes colonies. Ainsi, un regard décentralisé tiendrait compte du rapport d’échange de la colonie vers sa métropole, mais également de l’inverse. Ce faisant, il ne faut pas chercher à réécrire l’histoire, mais à trouver les acteurs de l’ombre qui, bien qu’oubliés, ont pourtant contribué à son édification.
Le renseignement désigne les activités de recherche d’information par ses agents. Le concept de renseignement sert avant tout à définir la nature des agents et de leurs activités, il est donc à distinguer du concept d’espion. En effet, les activités d’espionnage et de contre-espionnage sont partie intégrante des nombreuses stratégies de renseignement, mais ne sauraient définir entièrement la nature des agents. L’agent peut être en poste comme ambassadeur, militaire ou consul et fait appel à un réseau d’informateurs divers. Il peut recueillir des données dont la nature ne compromet nullement sa position ou peut user de stratégies plus compromettantes pour obtenir de l’information.
Le renseignement représente un formidable réservoir de données puisqu’il recueille, presque sans « filtre » toutes les données pouvant lui tomber sous la main pour constituer un savoir général du territoire et de ses conditions socioéconomiques dans un objectif militaire. Les rapports du renseignement permettent donc le croisement d’études sociales, politiques, environnementales et économiques. Ainsi, les données du renseignement s’approchent quelque peu de la pensée du colonisé (puisque l’agent n’a que peu d’intérêt à les travestir), sans toutefois traduire leur rapport à l’espace, modelé selon les intérêts coloniaux.
Le renseignement représente un formidable réservoir de données puisqu’il recueille, presque sans « filtre » toutes les informations pouvant lui tomber sous la main pour constituer un savoir général du territoire et de ses conditions socioéconomiques dans un objectif militaire. Les rapports du renseignement permettent donc le croisement d’études sociales, politiques, environnementales et économiques. Ainsi, les données du renseignement s’approchent quelque peu de la pensée du colonisé (puisque l’agent n’a que peu d’intérêt à les travestir), sans toutefois traduire leur rapport à l’espace, modelé selon les intérêts coloniaux.
Dans ce mémoire, ce sont les écrits du Capitaine d'état-major Ivan Fédorovitch Blaramberg qui représentent la majorité de nos archives. Ainsi, c'est son discours qui représente la base de notre analyse.
Plusieurs ouvrages très pertinents ont été écrits sur le sujet. De plus, ce mémoire ne peu bien évidemment cerner tous les aspects de la question du Grand Jeu. Ainsi, voici une sélection d'ouvrages, ressources et outils qui complètent notre carte. Pour une bibliographie plus élaborée, veuillez consulter celle à la fin du mémoire.
Monographies
ABAŠIN Sergej Nikolaevič et Svetlana Mihajlovna GORŠENINA. Le Turkestan Russe: une colonie comme les autres?, Tachkent - Paris, Éditions Complexe, 2010, 548 p.
ANDREEVA, Elena. Russia and Iran in the Great Game: Travelogues and Orientalism. Londres, Routledge, 2007, 274 p.
BEZOTOSNY, Viktor. « Services de renseignement de Napoléon dans la campagne militaire de 1812 ». Histoire nouvelle et récente, no. 4 (2004).
BODENHAMER, David, John CORRIGAN et Trevor M. HARRIS. Deep Maps and Spatial Narratives. Bloomington, Indiana university press, 2015, 242 p.
DALRYMPLE, William. Return of a King: The Battle for Afghanistan. 1839-42. New-York, Knopf, 2013, 749 p.
G. SINGH, Jyotsna, et David D.KIM. The Postcolonial World. Routledge, Londres, 2016, 583 p.
GREMLING, Numa. Leafleat Cookbook: Recipes for creating dynamic Web maps. Locate press, Alaska, 2019, 328 p.
HOPKIRK Peter. Le Grand Jeu : Officiers et espions en Asie centrale. Bruxelles, Nevicata, 2013, 572 p.
PIATIGORSKY, Jacques, et Jacques SAPIR. Le Grand Jeu: XIXe siècle : les enjeux géopolitiques de l’Asie centrale. Paris, Autrement, 2009, 250 p.
Ressources en Ligne
Harvard University (2020), Imperiia, Mapping the Russian Empire [site Web], consulté le 7 avril 2020, https://bit.ly/2SUPmN3
Encyclopaedia Iranica (2020), Sur le site Encyclopaedia Iranica, [site Web], consulté le 18 avril 2020, https://bit.ly/2Ptp6HO
Sources Primaires
Archives historiques militaires de l'État russe (RGVIA). F. 446, Opis. 1, Delo.7, 14, 16, 17, 18, 20, 22, 23, 25, 39, 61 et 180.
Archives historiques militaires de l'État géorgien (TSGIA). Fond. 2, Opis.1, Delo. 535.
Cartes
Lapie et Blondeau (gravure). « Carte de la Perse, de la Turquie d'Asie et d'une partie de la Tartarie Indépendante », Paris, 1810, [En ligne], Gallica.http://bit.ly/2Uv4Nvj
Central Asia, Edward Stanford, John Arrowsmith, London, 1884. David Rumsey Map Collection,http://bit.ly/2UFLShz
W. Siberia, Tartary, Khiva, Bokhara &c., Society for the Diffusion of Useful Knowledge (Great Britain), Chapman and Hall, London, 1838. Sur le site David Rumsey Map collection. http://bit.ly/2UycPDE
Persia, Arabia &c. Henry S.Tanner, H.S Tanner, Phidadelphia, 1868. David Rumsey Map Collection, http://bit.ly/2UtYDvq
Persia with a part of Cabul and the adjacent countries, Aaron Jr Arrowsmith, A.Arrosmith, London, 1828. David Rumsey Map Collection,http://bit.ly/2UArDBQ
Sir, Alexander Burnes, Central Asia [1: 4400000], [1834], dans Original M.S. surveys of Lieut. Alex. Burnes, London, John Arrosmith, 1834. [En ligne] sur David Rumsey Map Collection,http://bit.ly/2UuqRpO
J'aimerais remercier Joshua L.J. Vachon pour l'assistance technique à la création de cette carte, ainsi que la plateforme Historiamati.ca pour l'hébergement et le soutien. Je tiens également à remercier le Pr Tristan Landry pour la direction du mémoire à l'origine de ce projet, ainsi que la précieuse aide reçue grâce à son carnet de recherche, Gastronom.
Remerciements à David Bouchard, Catherine Lampron et Thomas Lord pour leur carte "Voyage de Saint-Pétersbourg à Calcutta". Cette carte d'une grande qualité peut être consultée dans la couche "cartes narratives"
Les icônes ont été réalisés par Benjamin Erb.